DES OUVERTURES ALLEMANDES EN TROMPE-L’ŒIL, par François Leclerc

Billet invité.

Peter Altmaier, le ministre des finances allemand par intérim, vient d’alimenter le feuilleton du débat franco-allemand sur la relance de la zone euro, et de quelle manière ! Formellement, ce peut être considéré comme une avancée, mais dans la pratique se révéler très dilatoire. C’est en tout cas cette seconde option que le quotidien Handelsblatt a adoptée.

La création d’un dispositif européen d’assurance des dépôts bloquait jusqu’alors sur le refus des autorités allemandes de partager le risque afférent. Il était vaguement question de préalablement « réduire le risque », sans que la manière d’y parvenir soit précisée. Peter Altmaier s’y est lancé, définissant les quatre conditions qui devront être réunies pour considérer que c’est le cas.

Le montant des « prêts non performants » (NPL) devra être réduit, la détention par les banques des titres souverains de leur pays diminuée, la définition de l’insolvabilité devra être normalisée au sein de la zone euro, et les banques devront avoir suffisamment de fonds propres pour appliquer la réglementation du bail-in.

Les conditions établies dans leur principe, il reste à en définir le détail… De quoi, estiment les médias allemands, justifier une attente de dix ans ou plus avant qu’il ne soit estimé que le risque est suffisamment réduit pour se lancer. En comparant l’achèvement de l’Union bancaire à l’adoption de la monnaie commune, Peter Altmaier a placé la barre très haut, ce qui augure mal d’un rapide dénouement. Sa proposition tout en faux-semblants éclaire les propos de Bruno Le Maire, le ministre français, lorsqu’il a fixé le mois de juin prochain pour parvenir à un accord sur l’union des capitaux, l’harmonisation fiscale et l’Union bancaire.

Encore faudra-t-il qu’un accord intervienne préalablement entre les partis allemands de la Grande coalition. Des signaux contradictoires sont émis dans le pays. Deux sondages électoraux accordent désormais 17 et 18% au SPD, quatre points de plus qu’à l’AfD d’extrême droite dans les deux cas, alors que la marge d’erreur est de deux points. La tenue d’élections, en cas de refus final de la Grande coalition, est plus que jamais un repoussoir pour les adhérents du SPD. Mais une autre expression de la désaffection envers le parti social-démocrate trouve son expression sur le terrain syndical.

IG Metall, le puissant syndicat des 3,9 millions de salariés de la métallurgie (automobile et industries électriques et électroniques, les fleurons à l’export) a croisé le premier le fer avec une demande d’augmentation de 6% des salaires et le passage de la semaine de 35 heures à 28 heures, avec compensation partielle.

Les partis politiques, qui se sont bien gardés d’aborder les questions salariales dans leur négociation, au prétexte qu’elles concernent les partenaires sociaux, vont difficilement pouvoir en rester là. Car l’État allemand doit en tout état de cause engager fin février les discussions avec les syndicats des fonctionnaires. La Fédération allemande des fonctionnaires (DBB) réclame « une claire et réelle hausse des traitements » et le passage de la durée hebdomadaire de travail de 41 à 39 heures dans la fonction publique. Dans les services, le syndicat Verdi demande à la Deutsche Post une augmentation de 6% des salaires, et la possibilité de convertir une partie de cette augmentation en congés supplémentaires, sur le modèle de l’accord négocié par le syndicat EVG avec la Deutsche Bahn en 2016.

On ne dégage pas impunément un important excédent budgétaire…